Savoir dire non pour rester efficient

Vous vous souvenez certainement de l’exemple de Thanh Pham sur la cuisine en désordre. Reprenons-le mais sous un autre jour. Vous désirez faire le repas préféré de votre conjoint. Vous vous attelez à la tâche et vous lui mijotez des merveilles alimentaires. Puis, vous lui préparez une belle table avec des bougies et un excellent vin.

Après ce merveilleux repas, votre conjoint est aux anges. C’est là que vous lui dites : « J’ai fait le repas et tu t’es régalé, maintenant je te laisse ranger la cuisine ». Oups ! Ce point de friction là risque d’être plus qu’ennuyeux.

Le premier souci vient du fait qu’en cuisine il faut ranger les ustensiles et casseroles au fur et à mesure. Tout faire après le repas est contre-productif, ce n’est pas « Clearing To Neutral » compatible.

Le deuxième vient du fait que nous venons de déléguer une tâche ingrate et au mauvais moment. Nous avons détruit en quelques secondes une ambiance patiemment créée.

Or, si la délégation est un art, on parle peu de comment gérer la réception d’une tâche. Analysons cela de plus près.

Il est vrai que dans la méthode GTD, un des premiers points lorsque l’on reçoit un « truc » (stuff en anglais) est de se demander si nous sommes la meilleure personne pour le réaliser. Si tel n’est pas le cas, nous le déléguons. Si nous sommes celui ou celle qui reçoit cette demande, rien ne nous oblige à dire oui car, cela pourrait être un point de friction qui pourrait nous prendre beaucoup de temps, trop de temps.

N’oublions pas que cela va modifier ce que nous avions prévu et que certaines des tâches que nous devons réaliser sont plus importantes que celles que notre collègue souhaite nous déléguer. Si nous prenons l’habitude d’accepter tout ce que nos collègues nous font parvenir, je peux vous certifier qu’ils vont s’en rappeler. Du coup, nous serons bombardés de demandes en tout genre et, elles vont faire exploser notre planification.

Personnellement, je suis très « Team Spirit ». Je ne refuse pas de venir en aide à un collègue qui en a réellement besoin. Par contre, je ne reprends pas les tâches de ceux qui me les délèguent simplement parce qu’ils n’ont pas envie de les réaliser. En fait, lorsque nous recevons une demande de délégation de tâches, celles-ci génèrent-elles un point de friction ?

Supposons que la personne que me délègue cette tâche soit un supérieur hiérarchique ? Il est fort probable que je ne puisse pas refuser. Par contre, je peux agir sur deux points : Le délai de réalisation et l’annonce de décalage dans mon planning. En effet, je me dois de renégocier les délais de livraison de mes travaux car, mon supérieur ne se rappelle probablement pas tous mes engagements en cours. Il est assez facile de lui dire, « Ok, j’en ai pour deux jours donc, je vais devoir décaler la finalisation du lot 3 dans le projet XYZ ». Si cela ne lui convient pas, il va revenir vers nous.

En revanche, si la demande vient d’un collègue, d’une association ou d’un ami, n’hésitons pas à lui dire « non ». Ce terme est notre sauvegarde. Bien souvent il n’a aucune idée de notre charge alors que nous oui. Ce refus semble souvent difficile à dire car nous désirons tous faire plaisir. Cependant, il met de l’huile dans nos rouages et évite la friction dans notre planning.

Attention, je ne dis pas qu’il faut tout refuser d’emblée mais, simplement, qu’avant de dire oui sur une tâche reçue, il faut en mesurer l’impact sur notre planning et sur nos tâches en cours, voire sur notre entourage.

Je vous rassure, je l’ai moi aussi appris à mes dépens. Voici ma petite anecdote :

Il y a plusieurs années, à 22h15, mon téléphone privé sonne. J’étais dans les 15 dernières minutes d’un film passionnant. Or, à l’époque, le streaming n’existait pas. Impossible de voir la fin d’un film en différé.

Je me suis dit que si l’on m’appelait à cette heure-là c’est que cela devait être important. J’ai donc pris l’appel. En fait, il s’agissant d’un ami qui n’arrivait pas à connecter son nouveau disque de stockage sur son ordinateur. Comme il n’y avait pas de téléphone portable, donc pas de photo possible, nous avons passé environ une heure au téléphone pour qu’il m’explique sa configuration et pour que cela fonctionne.

Bref, j’ai raté le moment crucial du film et, ma conjointe était finalement allée se coucher plutôt mécontente de ma longue absence, j’ai dû attendre le lendemain pour connaître l’issue de ce thriller.

En fin de journée mon ami me rappelle et me dit : « Depuis que TU as connecté mon nouveau disque de stockage il y a des choses qui dysfonctionnent sur mon ordinateur ». Friction !!!

Depuis, lorsqu’on m’appelle pour me demander de prendre en charge ce genre de demande ma réponse est simple : « non, pas maintenant ». Il s’agit d’une interruption dans ma vie qui va forcément créer un point de friction. Je peux entrer en matière mais plus jamais en lâchant tout ce que je fais. Je planifie. Bien sûr on ne parle pas d’une véritable urgence, là c’est différent.

Savoir dire non, cela s’apprend. Il faut y mettre les formes et il est très rare que la personne qui délègue s’offusque de notre refus. Elle va simplement demander à quelqu’un d’autre.

Ce n’est pas toujours parce que l’on est efficient que l’on délègue et c’est être efficient que de savoir dire non quand c’est nécessaire !

Les photos sont de Jep Gambardellan (Pexels), Austin Kehmeier (Unsplash) et de Karolina Grabowskav (Pexels)

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8 réponses

  1. Bon alors là tu touches à mon plus gros problème! Je pense avoir fait des progrès MAIS si qqn est en « danger » ou si une personne me sollicite pour une raison de santé, là je n’arrive pas à dire non…. et je suis tjrs en friction! Et je m’épuise car les gens me demandent tout le temps qqch… comment faire pour dire non même si la personne est en situation « urgente » ??? Ça je dois apprendre pour arrêter de me sentir vidée…

    Récemment au travail j’ai reçu plein de compliments que je fais bien mon travail et que je m’occupe bien de mes élèves mais personne ne se rend compte de ce que ça me coûte! Et si j’en parle franchement, ils me répondent que je vais y arriver… ils ont rien compris! Et moi je dois apprendre à dire non!

    1. Bon bon bon, je ne vais discuter sur les sollicitations de santé. Ce n’est pas simple sur ce sujet là.
      Par contre, l’astuce consiste à ne pas répondre tout de suite. Retenir la réponse permet de prendre du recul pour réfléchir.

      Je te félicite pour ton investissement dans l’éducation. J’y reviens d’ailleurs dans mon prochain article. Mais qui a dit qu’enseigner ou devenir un excellent formateur c’est facile ?
      Cela demande du temps et une énergie qui dépasse la commune mesure. Je le sais par expérience. Donc Bravo.

  2. Merci pour cet article intéressant.
    Comme je travaille comme indépendant et avec une équipe de partenaires indépendants, on me donne rarement une tâche à faire, on va plutôt me demander de l’aide. Dans ce cas:
    – je ne fais pas quelque chose que la personne demandeuse pourrait faire elle-même mais peut-être je vais lui dire comment elle peut faire
    – je lui explique où elle peut trouver le renseignement qu’elle cherche (ça lui apprend à chercher d’abord elle-même une solution avant de me solliciter)
    C’est aussi un moyen de gagner du temps à moyen terme.

  3. Dire « Non »!!!! Je transpire déjà!!! Lorsque j’y arrive, je culpabilise et à la prochaine demande, je vais en faire encore plus pour me rattraper.

    Mais dernièrement, j’ai réalisé que je fais tout faux (bien sûr on ne parle pas d’urgences), car ceux qui délèguent n’ont souvent aucune peine à dire « non » et le vivent très bien.

    Alors, comme observer est aussi un moyen d’apprendre, je vais commencer cet apprentissage du mieux que je peux en évaluant ce qui est vraiment une aide nécessaire ou ce qui est juste une voie de facilité.

    Merci Angelo.

    Enza

    1. Eh oui, ceux qui culpabilise facilement sont très enclin à dire oui. Globalement, si l’on est proche du burnout, cela ne sert à rien. Cela ne nous revalorisera pas.
      Courage dans ta démarche.

  4. Merci beaucoup Angelo pour cet article.

    C’est souvent un problème de devoir dire non et c’est un travail que j’essaie de faire sur moi, mais ça demande vraiment beaucoup d’effort.

    J’ai l’impression que dire non c’est ne pas vouloir aider, alors qu’en fait on a juste atteint notre limite, mais du coup c’est la descente vers la culpabilité.

    Un travail qui demande de l’équilibre 🙂

    1. De nos jours nous utilisons des moyens technologiques qui nous mettent à rude épreuve car les interruptions sont constantes et les demandes aussi.
      Avoir le courage de se protéger est la nouvelle chose que nous devons apprendre. Il en va de notre santé.
      Courage pour ton apprentissage.

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